01-08-2025
Le «Made in Switzerland» vient de prendre une gigantesque claque
Les fleurons de l'économie suisse sont assommés par les annonces de l'administration Trump. Si la surtaxe de 39% se confirme, les industriels craignent pour leur rentabilité sur le marché américain. Publié aujourd'hui à 15h49
Les horlogers suisses redoutent une importante baisse des ventes aux États-Unis, l'un de leurs marchés les plus importants.
AFP
En bref:
Pour un 1er août, l'ambiance est tout sauf festive pour l'économie suisse. Donald Trump et son administration viennent d'assommer la Confédération avec 39% de droits de douane , le taux le plus élevé d'Europe. Yves Bugmann, président de la Fédération de l'industrie horlogère suisse (FH), ne cache pas son immense déception. «Nous sommes d'autant plus surpris que les autorités suisses montraient des signaux plutôt positifs ces dernières semaines.» Une nouvelle preuve, s'il en fallait une, de «l'imprévisibilité» du président américain.
Mais tout n'est pas perdu. «Il reste sept jours au Conseil fédéral pour trouver une solution plus acceptable avec Washington», rassure Yves Bugmann. Deux scénarios possibles: soit le coup de massue de Trump n'était «qu'une tactique de négociation», et alors la Suisse pourra abaisser ce taux «insensé» de 39%. Soit l'annonce devient définitive le 7 août, ce qui deviendrait très inquiétant pour le président de la FH. «Nous exportons 95% de notre production, dont 17% sont destinés au marché américain.» L'entrée et le milieu de gamme de l'horlogerie vont souffrir
Les montres suisses devront-elles se trouver de nouveaux poignets? «Nous sommes déjà présents sur une dizaine de marchés, mais plusieurs d'entre eux sont en difficulté», juge Philippe Bauer, président de la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse (CP). Il pense par exemple à la Chine, dont l'engouement pour les montres suisses a diminué depuis la pandémie.
Philippe Bauer n'entend pas dicter la marche à suivre aux entreprises horlogères. «Chacune prendra les mesures qu'elle juge les plus adéquates. Le plus évident serait de chercher à développer de nouveaux marchés comme l'Inde ou l'Indonésie, ou de consolider les relations avec l'Italie et l'Angleterre, qui sont historiquement de bons clients. Mais d'ici à ce que ça puisse totalement remplacer le marché américain… C'est encore loin.»
Pour l'ancien conseiller aux États neuchâtelois, c'est surtout l'entrée et le milieu de gamme qui risquent de souffrir avec des droits de douane aussi élevés. «Celui qui met 50'000 francs pour une montre de luxe n'est généralement pas très regardant sur le prix. Les produits haut de gamme seront sans doute moins impactés. Mais pour celui qui a longuement économisé pour s'offrir une montre coûtant entre 10'000 et 20'000 francs, ça fait une sacrée différence.» La tech suisse très vulnérable aux droits de douane
Douche froide également pour l'industrie des machines de précision, des équipements électriques et des métaux (MEM), très dépendante du marché américain. Stefan Brupbacher, directeur de la faîtière Swissmem, a dit toute sa colère dans un communiqué publié ce vendredi matin. Il y déplore la «décision erratique» du président républicain, qui «met en péril plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans l'industrie».
Philippe Cordonier, membre de la direction de Swissmem pour la Suisse romande, s'est lui aussi réveillé avec un «gros choc» ce matin. «Cette surtaxe est d'autant plus consternante que nos autorités semblaient proches d'un accord.» Mais que voulez-vous, «Trump a toujours le dernier mot».
Les conséquences seraient d'autant plus douloureuses que le dollar américain s'est affaibli de 10% par rapport au franc depuis le début de l'année. Les effets de cette guerre commerciale se font déjà ressentir pour la tech suisse. «Nos exportations vers les États-Unis ont déjà diminué de plus de 3% au deuxième trimestre 2025», nous confiait Stefan Brupbacher avant les annonces de ce «funeste 1ᵉʳ août». Une situation qui pourrait «encore s'aggraver» sachant que le marché américain (10 à 15% de l'industrie MEM) est le deuxième plus gros importateur de biens de l'industrie tech suisse, juste derrière l'Allemagne (25%).
Philippe Cordonier appelle lui aussi le Conseil fédéral à «poursuivre les négociations» pour faire réduire ce taux de 39%. Et plus généralement à «améliorer l'accès aux autres marchés mondiaux» pour les entreprises de la tech suisse. Le contexte serait morose depuis la fin de la pandémie: «Les carnets de commandes ne se remplissent plus aussi bien qu'auparavant».
En revanche, Swissmem n'est pas favorable à ce que la Suisse prenne des mesures de rétorsion à l'encontre des États-Unis. «Cela ne pénaliserait guère la plus grande économie du monde, le marché suisse étant bien trop petit pour les exportations américaines.» Recul des exportations de Gruyère AOP
L'annonce-choc de la Maison-Blanche pèse également sur le moral des fromagers. Prenez le Gruyère AOP, très apprécié des gourmets américains. Pierre-Ivan Guyot, président de l'Interprofession (IPG) du plus célèbre fromage de Suisse, estime qu'une telle pression douanière pourrait entraîner un recul d'au moins 20% des ventes dans le Pays de l'Oncle Sam cette année. Coup dur, alors que le Gruyère AOP envoie plus d'un dixième de sa production totale aux États-Unis. En moyenne ces trois dernières années, 4000 des 13'000 tonnes de gruyère exporté partaient pour les USA.
«Nous sommes très déçus, mais gardons un petit espoir quant à l'obtention d'un accord moins défavorable, poursuit Pierre-Ivan Guyot. Heureusement, nous avions anticipé cette crise en tirant le frein à main sur la production cette année. Elle a été réduite de 3%, soit de 900 tonnes.» Dès lors, pas besoin de craindre, comme les vignerons suisses en cette année catastrophique , que les caves débordent de stock impossible à écouler. «Contrairement au vin, le fromage n'a pas à s'inquiéter d'une baisse générale de sa consommation. Pour le Gruyère, c'est même plutôt tendanciellement à la hausse. Nous restons confiants.»
Avec 39% de taxes, le Gruyère AOP pourrait devenir un produit de luxe aux États-Unis. «Il risque d'être déréférencé dans certains canaux de distribution», déplore le président de l'IPG. Mais pas de fatalisme. «On va poursuivre nos efforts de promotion aux USA tout en se réservant la possibilité de mettre l'accent sur le marché européen, sans oublier la Suisse. Nous avons encore quelques cartes dans la manche.»
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Thibault Nieuwe Weme a rejoint la rubrique vaudoise en octobre 2022. Après un Bachelor en science politique, il a obtenu son Master à l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de l'Université de Neuchâtel. Il est également passé par la rédaction du Temps. Depuis juin 2025, il couvre l'actualité fribourgeoise. Plus d'infos
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